A l’origine simple société de cartes à jouer, Nintendo est devenu en plus de 130 ans d’histoire un mastodonte de l’industrie du jeu vidéo avec des licences mondialement connus telles que Mario, The Legend of Zelda ou encore Pokémon.
Que vous soyez un.e Gameur désireux d’en apprendre d’avantage sur sa passion ou bien simplement une personne lambda curieuse de comprendre ce phénomène, je vous invite, à travers cette article, à découvrir avec moi l’entreprise Nintendo en passant par ses origines ainsi que son évolution jusqu’a son apogée actuelle.
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- Les racines de Nintendo
- Une diversification désastreuse
- A la conquête des jeux vidéos
- La guerre des consoles
- Nintendo place l’innovation au cœur de sa stratégie
Les racines de Nintendo
C’est le 23 septembre 1889 que Fusajiro Yamauchi, un jeune fabricant de cartes décide de fondé une entreprise de production de cartes à jouer, Nintendo Koppaï. Rapidement, la société gagne en notoriété en proposant à la vente des Hanafuda, des cartes traditionnelles japonaises également connues sous le nom de carte fleur.

Cependant, en 1907 la guerre russo-japonaise oblige le gouvernement japonais à instaurer la Kurata Zei, une taxe sur les cartes à jouer qui bouleverse le secteur. Bien que la distribution de masse ne soit pas courante au Japon, afin d’éviter la faillite Fusajiro Yamauchi a eu la judicieuse idée de s’associer au seul secteur qui est bien structuré, la distribution du tabac. Nintendo Koppai commence à commercialiser ses jeux de cartes auprès de tous les buralistes du pays, leur taille équivalente à celle d’un paquet de cigarettes, lui conférant une grande notoriété. Une de ses gammes les plus appréciées inclut d’ailleurs une série de Hanafuda Pin-up, qui comme son nom le suggère, illustre en images des demoiselles joliment dénudées, loin de l’image juvénile que l’on pourrait associer aujourd’hui à Nintendo. La société réalise également un coup de maître en collaborant avec plusieurs casinos japonais pour la distribution de ses cartes. Également passionné de jeux, Fusajiro Yamauchi avait observé que les joueurs superstitieux ou ceux misant des sommes importantes préféraient utiliser un jeu de cartes neuf à chaque partie afin d’éviter toute tricherie. Cette stratégie a permis d’accroître rapidement les réserves financières de Nintendo. Malgré la Kurata Zei, les affaires sont fleurissantes et Nintendo Koppaï s’impose comme la plus grande entreprise de cartes du Japon. Suite à ce succès, Nintendo commence à commercialiser des cartes occidentales au Japon dès 1902 marquant ainsi le début de son expansion à l’international.
Les affaires prospèrent, mais la Seconde Guerre mondiale met un coup d’arrêt à cette croissance, le gouvernement japonais interdisant tous les jeux de cartes, ce qui impacte lourdement les finances de la société et l’entreprise peine à se relever après ces longues années d’interdiction. Ce n’est qu’en 1950, avec l’arrivée à la présidence d’Hiroshi Yamauchi, arrière-petit-fils du fondateur de l’entreprise que la situation change. Il réforme l’entreprise familiale, la rebaptise Nintendo Playing Card Co., relocalise la production et lance sa première gamme de cartes en plastique, destinées aux enfants. Ce renouveau marque le début d’une nouvelle ère pour Nintendo.

Une diversification désastreuse
En 1956, lors d’une visite aux États-Unis pour établir une collaboration avec United States Playing Card Company, la plus grande entreprise de cartes à jouer au monde, Hiroshi Yamauchi a été surpris par l’espace relativement restreint des bureaux occupé par celle-ci. Il a alors pris conscience des limites du marché international et a compris qu’il lui fallait diversifier les activités de Nintendo pour en faire un acteur majeur. Il a lancé une stratégie de diversification en se positionnant sur plusieurs marchés porteurs, mais chacun de ces efforts s’est soldé par des échecs stratégiques cuisants : une entreprise de taxis, des sachets de riz instantané individuels et même une chaîne de love hôtels, dont le concept connaît un succès fulgurant au Japon suite à l’interdiction de la prostitution. Nintendo a continué à accumuler les échecs malgré l’apparente prospérité de ces marchés, ne survivant que grâce à ses célèbres cartes à jouer.
Durant son périple aux États-Unis, le jeune homme conclut un contrat emblématique avec Disney en 1959. Ce partenariat a ouvert les portes des magasins de jouets à Nintendo qui a alors intensifié ses campagnes publicitaires. Les cartes à l’effigie des personnages célèbres de Disney se vendaient comme des petits pains, contribuant à renforcer la renommée de la marque. Deux ans plus tard, les ventes ont même dépassé le million de paquets, marquant un véritable triomphe. Ce succès a permis de transformer l’image de Nintendo qui était encore fortement associée aux casinos et au tabac. Néanmoins, malgré sa domination dans le secteur, Hiroshi restait préoccupé par la dépendance de l’entreprise aux enfants due à la diminution des cartes destinées aux adultes.
A la conquête des jeux vidéos
L’année 1963 marque le début d’une nouvelle ère pour Nintendo. En pleine croissance, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de 150 millions de yens. Elle obtient alors le statut de société ouverte, adopte le nom de Nintendo Co et entre en bourse à Osaka et à Kyoto.
En 1965, Nintendo embauche un certain Gunpei Yokoi, chargé initialement de la maintenance de certaines machines utilisées pour la fabrication des cartes à jouer en usine. Mais très vite, Gunpei Yokoi se fait remarquer par tous les employés grâce à ses talents exceptionnels de bricoleur. Il répare tout sans arrêt et conçoit également de nombreux concepts de jouets innovants. L’un de ses premiers succès, Ultra Hand, un bras articulé permettant d’attraper des objets à distance attire l’attention de Hiroshi Yamauchi. Impressionné, il décide de commercialiser cette invention et de confier à Gunpei Yokoi la direction d’un département dédié aux jouets chez Nintendo.

De nombreux jouets innovants voient le jour et Nintendo connaît un succès retentissant ce qui lui permet de s’imposer comme un acteur majeur sur ce nouveau marché. À l’approche des années 1970, la commercialisation de jouets électroniques s’accélère, d’abord aux États-Unis, puis rapidement au Japon. Les salles de quilles qui rassemblaient alors les enfants japonais se transforment peu à peu en salles d’arcade et Nintendo en équipe certaines, notamment avec le Laser Clay Shooting System, un petit pistolet en plastique permettant de tirer sur des cibles à l’écran, développé par Gunpei Yokoi.
Cependant, au-delà des bornes d’arcade, le jeu vidéo commence à s’installer dans les salons avec l’arrivée des premières consoles. Nintendo s’était déjà associé à Magnavox pour créer la première console de salon multi-jeux, la Magnavox Odyssey en 1972. À cette époque, Atari était la seule véritable concurrente dans le marché des consoles de salon. Hiroshi Yamauchi décide alors de s’engager pleinement dans le secteur du jeu vidéo et de la création de consoles.
Dès 1977, Nintendo se lance dans la conception et la commercialisation de consoles, avec la Color-TV-Game 6 comme première production. Cette console fonctionnait avec des piles et ne proposait qu’un seul jeu dont la difficulté pouvait varier, mais elle rencontrera tout de même un grand succès. Elle sera suivie par de nombreuses autres, jusqu’à la Computer TV Game en 1980. À cette époque, Nintendo exerce une domination totale sur le marché avec 70 % des joueurs japonais possédant une console de la marque.

Si Nintendo devait aujourd’hui garder en mémoire une chose de l’année 1977 ce ne serait probablement pas son entrée sur le marché des consoles de salon. La même année, l’entreprise recrute Shigeru Miyamoto, un jeune designer industriel de 25 ans. Alors qu’il travaillait auparavant dans le design de voitures et d’électroménager, Miyamoto est embauché pour s’occuper du packaging des produits Nintendo. Rapidement, tout comme Gunpei Yokoi avant lui, il impressionne ses collègues par son imagination débordante et la finesse de ses créations.

Ces deux talents seront d’ailleurs rapidement réunis par l’entreprise pour tenter de sauver un échec commercial. En 1981, le jeu d’arcade Radar Scope destiné à conquérir le marché américain ne se vend qu’à 2000 exemplaires. Nintendo décide alors de confier à Yokoi et Miyamoto la création d’un nouveau jeu adapté aux nombreuses bornes déjà installées et capable de séduire le public américain. En seulement trois mois ils conçoivent Donkey Kong, un jeu à la fois simple et répétitif, mais dont le design est révolutionnaire. Dans cette aventure, le personnage principal, Jumpman, qui deviendra plus tard Mario, doit sauver Pauline, la petite amie du héros, dans un univers où il peut sauter, une innovation majeure à l’époque. À l’origine, le jeu devait être une adaptation de Popeye, mais Nintendo n’avait obtenu que les droits pour une version sur console portable, domaine dans lequel la société excellait déjà avec la Game & Watch.

C’est le commencement de la révolution Miyamoto chez Nintendo. Son premier succès lui ouvre la voie à la création de nombreux jeux et personnages emblématiques, faisant de lui le créateur le plus reconnu dans le domaine. Les décisions qu’il prendra tout au long de sa carrière chez Nintendo constitueront des tournants majeurs et il deviendra l’incarnation même de l’identité de l’entreprise. En 2025, il reste le responsable créatif de Nintendo et est à l’origine de la majorité des jeux développés par le constructeur japonais. Miyamoto est tellement précieux pour Nintendo qu’il lui est maintenant interdit de se déplacer sans chauffeur alors qu’il aimait autrefois se rendre à son bureau à vélo. Une simple déclaration concernant une maladie ou un accident de ce dernier pourrait faire chuter dramatiquement le cours de l’action Nintendo.
Dès le début des années 80, la firme kyotoïte connaît un succès mondial, initialement grâce à sa borne d’arcade Donkey Kong, mais surtout grâce à sa console portable, la Game & Watch, conçue par Gunpei Yokoi. Il a eu l’idée de cette dernière en observant des collègues en banlieue qui occupaient leur temps de trajet en tapotant sur des calculatrices. La même année, Gunpei Yokoi dépose également un brevet pour la croix directionnelle, devenant ainsi l’inventeur de l’un des éléments fondamentaux du jeu vidéo moderne. Grâce à deux employés au talent indéniable, Nintendo acquiert une renommée internationale suffisante pour se lancer dans la fabrication de consoles de salon à grande échelle.
La guerre des consoles
Le 15 juillet 1983, Nintendo lance la Famicom, pour Family Computer, soit exactement le même jour que la sortie de la première console de Sega, la SG-1000. Bien que techniquement en retard par rapport à sa concurrente, la console de Nintendo s’impose néanmoins grâce à la qualité exceptionnelle de ses jeux, notamment ceux développés par Miyamoto. Super Mario Bros est considéré comme un jeu parfait, c’est à dire ne nécessitant aucune retouche, tandis que The Legend of Zelda sorti en 1986 est reconnu comme l’un des premiers chefs-d’œuvre de l’histoire du jeu vidéo et s’est vendu à plus de 6 millions d’exemplaires. La Famicom deviendra la NES, pour Nintendo Entertainment System, pour son exportation aux États-Unis puis en Europe où elle rencontrera un succès phénoménal. Initialement conçue pour accueillir seulement 7 jeux, la NES séduit rapidement tous les développeurs de jeux d’arcade japonais qui sortent massivement leurs versions pour cette console. Son arrivée en Europe est également marquée par la sortie de nombreux jeux thématiques à succès, comme les Tortues Ninjas ou encore Batman, ce dernier coïncidant avec la sortie du film. Cependant, rapidement les concepts de jeux créés par Shigeru Miyamoto ou Gunpei Yokoi, également l’inventeur de Metroid, deviennent trop gourmands en ressources pour la NES.

En toute discrétion, la société lance le développement d’une console 16 bits. À cette époque, Nintendo domine près de 90 % du marché des consoles de salon devenant ainsi l’entreprise japonaise la plus rentable du pays devant Toyota. La publication en 1988 du premier magazine spécialisé, Nintendo Power, témoigne de l’engouement croissant du public pour ses produits. Ce projet secret voit finalement le jour en 1990 avec la sortie de la Super Famicom, aussi connue sous le nom de Super NES aux États-Unis et Super Nintendo en France. Alors que la Mega Drive de Sega sortie quelques mois plus tôt commence à gagner des parts de marché, la Super Nintendo s’impose rapidement. Bien que moins puissante que sa concurrente, la console de Nintendo bénéficie de l’ingéniosité de ses développeurs qui créent des jeux donnant un aspect de fausse 3D plus abouti, comme F-Zero ou Super Mario Kart. La manette, quant à elle, est également un grand succès. Lors de sa conception, il était prévu qu’elle comporte six boutons pour offrir plus de possibilités dans les jeux de combat, mais Shigeru Miyamoto toujours soucieux du confort des joueurs s’oppose fermement à cette idée. Pour remédier à cela il invente les boutons R et L placés en haut de la manette et facilement accessibles avec les doigts.

Pour maintenir son avance sur le marché, Nintendo s’est associé avec Sony afin de développer une console capable de lire des CD-ROM, dont la capacité de stockage dépassait largement celle des cartouches de la Super Nintendo. Ce projet devait s’appeler la Super Nintendo Play Station. Cependant, il a finalement été abandonné et Sony a poursuivi seul le développement de sa propre console qui a connu un lancement retentissant.
Déjà innovante avec sa Game & Watch, conçue pour divertir les travailleurs lors de leurs déplacements, Nintendo a frappé un grand coup avec l’arrivée de la Game Boy en 1989 qui a rencontré un succès immédiat et colossal. Derrière ce triomphe, on retrouve encore et toujours Gunpei Yokoi qui est passé du statut de mécanicien bricoleur à celui de légende vivante de l’industrie du jeu vidéo. Pour séduire avec cette nouvelle console, Nintendo a dû batailler dur pour obtenir les droits du jeu Tetris inventé par Alekseï Pajitnov. Comme d’habitude, la Game Boy était moins puissante que ses concurrentes, par exemple son écran était de très mauvaise qualité. Mais cette faiblesse était volontaire, car Nintendo voulait que sa console soit très abordable, robuste et capable de permettre de jouer pendant de longues heures. Pari réussit car son autonomie surpassait largement celle de ses concurrentes. Au moment de la sortie de la Game Boy, Tetris était considéré comme dépassé par la critique, mais le succès fut au rendez-vous. Les licences emblématiques de Nintendo comme Mario et The Legend of Zelda continuaient également de cartonner avec notamment la sortie de The Legend of Zelda : Link’s Awakening en 1993. Au-delà des franchises phares la Game Boy a aussi séduit grâce à un accessoire innovant, le câble Link, qui permettait de relier deux consoles pour jouer à deux. Au début, cet accessoire était surtout utilisé pour s’affronter sur Tetris. Cependant, après quelques années, une autre licence incontournable fera son apparition, profitant tout particulièrement du célèbre câble pour se développer.

Au début des années 90, Satoshi Tajiri, qui venait de lancer avec quelques amis un magazine pour partager sa passion des jeux vidéo nommé Game Freak, découvre la Game Boy et notamment son câble Link. Lorsqu’il voit un insecte se déplacer sur un câble reliant deux consoles, cette image lui rappelle ses souvenirs d’enfance où il chassait et collectionnait de petites bêtes. Cette inspiration va changer sa vie et probablement influencer le monde entier. Il imagine alors un jeu où les joueurs chasseraient et échangeraient ces petites créatures, Pokémon voit le jour. Convaincu de son idée, il multiplie les rencontres avec de grands mangakas et développeurs de jeux vidéo. Néanmoins, alors que la plupart lui ferment la porte au nez, un seul homme croit en son projet, Shigeru Miyamoto, le génie créatif de Nintendo. Il perçoit immédiatement le potentiel des Pocket Monsters, comme Satoshi les appelait à l’époque. Rapidement, Miyamoto propose de créer deux jeux presque identiques mais avec quelques différences, afin d’inciter les joueurs à échanger des Pokémon et à les faire combattre. Malgré le soutien de Miyamoto, Nintendo décide de limiter la sortie des premiers jeux Pocket Monsters au Japon. En février 1996, sortent alors au Japon Pokémon Vert et Rouge, sans aucune campagne promotionnelle. Pourtant, grâce au bouche-à-oreille, ces jeux rencontrent un succès fulgurant. La franchise étant en plein essor, Nintendo décide de l’étendre aux États-Unis et en Europe. Cependant, un problème se pose, une société américaine détient déjà les droits sur le nom Monsters in my pocket. La solution est simple, le nom des jeux est raccourci pour devenir Pokémon.

À la fin de l’année 1998, Pokémon version rouge et Pokémon version bleue ont été lancés en Europe et aux États-Unis et leur succès a été immédiat et retentissant. Les Pokémon sont rapidement devenus des icônes de la culture pop, donnant lieu à des Animés, des films, des cartes à collectionner, mais surtout à une multitude de jeux vidéo qui ont accompagné toutes les générations de consoles Nintendo en conservant un succès constant. En 2025, Pokémon reste la troisième franchise de jeux vidéo la plus vendue de tous les temps avec plus de 485 millions d’unités écoulées. Pour la petite anecdote, dans la version japonaise de l’Animé Pokémon, le personnage de Sacha s’appelle Satoshi et son rival Régis porte le nom de Shigeru.
La nouvelle version de la Game Boy, la Game Boy Color, dont l’écran est enfin en couleur comme celui de ses concurrentes, profite évidemment de l’incroyable popularité Pokémon. D’ailleurs, sept versions différentes de la Game Boy Color ont été commercialisées arborant des designs inspirés des Pokémon. Cette console portable présente également un avantage considérable, elle est entièrement rétrocompatible, permettant de jouer à tous les jeux sortis sur la Game Boy.

En mars 1990, les premiers championnats officiels de jeux vidéo ont eu lieu, les Nintendo World Championships qui ont réuni des participants dans 29 villes américaines. Trois mois plus tard, Nintendo of Europe s’est implantée en Allemagne. En juillet, le salon Nintendo Space World Shoshinkai s’est tenu au Japon et le premier magasin World of Nintendo a ouvert ses portes aux États-Unis. Cependant, au début de l’année 1993, la console a commencé à perdre du terrain face à la concurrence. La Sega Genesis, avec son catalogue audacieux et provocateur a multiplié les scandales permettant à Sega de prendre la tête du marché américain où elle détenait alors 65 % des parts pendant quelques mois. En 1994, Nintendo a participé à la création de la Digital Software Association et de l’Entertainment Software Rating Board, affirmant lutter contre la prolifération des jeux violents suite à la controverse médiatique. Cette initiative lui a permis de retrouver la première place et l’année suivante, Nintendo a célébré la vente de sa milliardième cartouche.
En 1995, Gunpei Yokoi a tenté de réaliser un rêve, introduire la réalité virtuelle avec la Virtual Boy, une console dotée d’une technologie 3D stéréoscopique. Malheureusement, ses jeux médiocres, ses graphismes rouges et les maux de tête qu’elle provoquait ont conduit à un échec critique et seules 700 000 unités ont été vendues. Déçu, Yokoi a démissionné de son poste au sein de Nintendo quittant l’entreprise.

Au milieu des années 90, Nintendo domine largement le marché des consoles de salon avec une part de marché de 75 %, et la guerre contre Sega semble enfin remportée. La Super Nintendo connaît un immense succès grâce à une série de jeux exceptionnels tels que Super Mario World, The Legend of Zelda : A Link to the Past, Super Metroid, Street Fighter II, la trilogie Donkey Kong Country, ou encore Super Mario Kart, qui aurait presque été inspiré par le Tour de France.
Cependant, la seconde moitié des années 90 s’annonce plus difficile. L’échec de son partenariat avec Sony va ouvrir la voie à un nouveau concurrent de taille, tandis que la stratégie de communication de Sega devient de plus en plus agressive pour faire oublier Nintendo. La mascotte de Sega, Sonic, apparaît comme plus rebelle et plus tendance aux yeux des jeunes, contrastant avec l’image plus enfantine des héros de Nintendo. En 1995, Sega lance sa console Saturn, et Sony dévoile la PlayStation. Ces deux consoles 32 bits offrent des graphismes nettement supérieurs à ceux de Nintendo. Avec deux ans de retard sur le calendrier initial, Nintendo sort en 1997 la Nintendo 64, une console 64 bits ce qui est une première. Malgré un catalogue de jeux légendaires ses résultats restent mitigés. Il est déjà trop tard, la PlayStation et Sega dominent le marché des consoles de salon et poursuivent leur stratégie de communication agressive. Alors que ses concurrentes utilisent des CD-ROM comme support, la Nintendo 64 opte toujours pour des cartouches, moins performantes en termes de capacité de stockage. Miyamoto, convaincu que les temps de chargement liés à la lecture des CD rebuteraient les joueurs pense que ce choix est justifié. C’est d’ailleurs cette décision qui poussera Square à cesser de travailler avec Nintendo préférant sortir ses RPG en exclusivité sur la console de Sony. Malgré des temps de chargement bien plus courts, la Nintendo 64 apparaît comme très en retard face à ses concurrentes. Ce constat semble malheureusement récurrent à chaque nouvelle génération de consoles.

L’histoire extraordinaire de Nintendo est loin d’être terminée. En 1996, le phénomène Pokémon relance avec brio les ventes de la Game Boy. Outre le succès phénoménal des jeux Pokémon sur ses consoles portables qui compense en partie l’échec commercial de la Nintendo 64, la société japonaise peut toujours compter sur son génie créatif. Avec Super Mario 64, Shigeru Miyamoto révolutionne le jeu vidéo en exploitant parfaitement la 3D qui constitue la principale avancée technique de cette génération de consoles. Il va jusqu’à modéliser la caméra comme un personnage pour familiariser les joueurs avec ce nouveau format. Le jeu est à la fois magnifique, profond et totalement innovant. La manette de la Nintendo 64 est la première à intégrer un joystick, en parfaite harmonie avec la nouvelle possibilité d’explorer des mondes en 3D. En 1998, Nintendo frappe un grand coup avec un autre chef-d’œuvre de Miyamoto, The Legend of Zelda : Ocarina of Time. Bien que la Nintendo 64 ne parvienne pas à rivaliser avec la PlayStation, elle ne peut pas non plus être considérée comme un échec grâce à de nombreux jeux à succès comme 007 GoldenEye, F-Zero X ou Mario Kart 64. Cependant, pour la prochaine génération de consoles de salon, Nintendo ambitionne de retrouver sa position de leader sur le marché.
Au début des années 2000, une nouvelle génération de consoles 128 bits se prépare, Sega avec la Dreamcast, Sony avec la PS2 et un nouveau concurrent, Microsoft avec sa première Xbox, tous veulent s’imposer sur un marché en constante expansion. Nintendo peine à suivre le rythme et malgré l’annonce du Project Dolphin lors de l’E3 1999, la sortie de la GameCube connaît plusieurs retards. Finalement, le 14 septembre, la console fait son apparition, encore une fois très différente de ses concurrentes. Elle sera la seule à ne pas utiliser le format DVD, optant pour un nouveau mini-DVD spécialement conçu pour réduire au maximum les temps de chargement conformément à la volonté de Miyamoto. Malheureusement, malgré ses avancées technologiques et une ludothèque riche, la GameCube ne parvient pas à convaincre le public. Plus compacte, robuste et facile à transporter, elle ne parvient pas à détrôner la PlayStation, qui reste en 2025 la console de salon la plus vendue de tous les temps. Grâce à ses licences puissantes, Nintendo parvient toutefois à sauver les meubles avec des titres comme Super Mario Sunshine, Mario Kart Double Dash, Super Smash Bros. Melee, Metroid Prime et la toute nouvelle création de Miyamoto, Pikmin.

Comme lors de la génération précédente, c’est grâce à sa console portable que Nintendo continue de prospérer. La Game Boy Advance, qui sera déclinée en plusieurs modèles, sera la dernière grande réussite de Hiroshi Yamauchi à la tête de Nintendo. En 2002, après 52 ans à la direction de l’entreprise, Hiroshi Yamauchi démissionne et confie la présidence à Satoru Iwata qui venait notamment de travailler sur la conception de Super Smash Bros. Melee. Après 113 ans de règne, la dynastie Yamauchi quitte définitivement la gouvernance de Nintendo. C’est la première fois qu’un dirigeant ne porte pas le nom Yamauchi et ce changement redonne un nouvel élan à la société japonaise.
Nintendo place l’innovation au cœur de sa stratégie
En 1996, alors que la guerre des consoles faisait rage, Gunpei Yokoi avait décidé de quitter Nintendo pour créer sa propre entreprise. Son objectif était de retrouver cette passion pour l’innovation qui l’avait toujours animé chez Nintendo. Malheureusement, il a tragiquement perdu la vie dans un accident de la route le 4 octobre 1997, soit seulement un an plus tard. Considéré depuis comme le dieu des jouets au Japon, Gunpei Yokoi incarnait à la fois le génie créatif et la débrouillardise. Sur sa tombe est inscrite sa devise : « la pensée latérale des technologies désuètes », une variante de la pensée latérale d’Edward de Bono qui prône qu’il ne faut jamais aborder l’innovation de manière verticale, mais toujours en s’appuyant sur les usages rendus possibles par d’anciennes technologies. Gunpei Yokoi aurait sans doute beaucoup apprécié le tournant que Nintendo a pris avec l’arrivée de Satoru Iwata. Toujours souriant et très proche de ses employés, le nouveau président de Nintendo a totalement changé la façon de diriger l’entreprise. Il a instauré un conseil d’administration, une première pour Nintendo et a réduit à plusieurs reprises son propre salaire pour se rapprocher de ses collaborateurs. Il a été plusieurs fois désigné parmi les meilleurs dirigeants mondiaux par le New York Times. Satoru Iwata a également brisé certaines barrières en ouvrant davantage l’entreprise à l’international. Il a renoué le contact avec Square, Namco et même Sega. Son objectif était clair, sortir de la course à la performance pour se concentrer sur le divertissement et conquérir un nouveau public et il a rapidement réussi à atteindre ces objectifs.
Durant Noël 2004, Nintendo révolutionne le marché du jeu vidéo portable avec la Nintendo DS qui prend la suite de la Game Boy. Son double écran, dont un tactile, et son catalogue de jeux grand public avec par exemple Nintendogs et le Programme d’entraînement cérébral du Docteur Kawashima séduisent toutes les générations, propulsant la console au rang de best-seller historique avec plus de 154 millions d’unités vendues.

Fort de ce succès, Satoru Iwata vise le marché des consoles de salon. Observant la réticence des non-joueurs face aux manettes traditionnelles, Nintendo conçoit la Wii en 2006, une console intuitive à la manette ressemblant à une télécommande et privilégiant le mouvement. Alors que Sony et Microsoft s’affrontent sur le terrain technique avec la PS3 et la Xbox 360, la Wii attire un public inédit avec des jeux comme Wii Sports et Wii Fit, devenant la console intergénérationnelle par excellence et surpassant les 100 millions d’exemplaires vendus. Nintendo reprend ainsi sa place de leader sur le marché des consoles de salon. Simultanément, l’entreprise continue de fidéliser ses fans avec des titres phares comme Super Mario Galaxy, The Legend of Zelda : The Wind Waker et Metroid Prime : Trilogy.

Pour célébrer les 25 ans de The Legend of Zelda, Nintendo étend son influence sur la pop culture avec des initiatives comme la tournée orchestrale The Legend of Zelda : Symphony of the Goddesses qui accompagne le lancement du très attendu The Legend of Zelda : Skyward Sword.
Après avoir dominé le marché du jeu portable avec 68,3 % de parts de marché en trois ans, Nintendo lance la 3DS en 2011, sans rencontrer le succès escompté face à l’essor des tablettes et smartphones et à la popularité croissante des jeux gratuits. Anticipant la possible disparition des consoles portables, Nintendo développe un concept hybride, la Wii U qui sort en 2012, proposant pour la première fois de la HD et dotée d’un GamePad innovant qui permet de continuer sa partie même sans écran de télévision, mais finalement mal accueillie par le public et les joueurs exigeants en raison de son catalogue décevant. Cet échec coûteux avec une perte historique de 43,2 milliards de yens, Nintendo déplorant sa première année de déficit depuis 1980, contraint Satoru Iwata à des mesures drastiques baissant son salaire de moitié et celui des autres directeurs de 30 %, mais il pose les bases d’une nouvelle génération de consoles. Malgré la Wii U et son nouveau concept, Nintendo se lance dans le jeu mobile en 2015, limitant ses pertes avant l’énorme succès de Pokémon Go en 2016, qui propulse ses actions à des niveaux jamais atteints et lui ouvre un nouveau marché, les smartphones. Iwata n’en verra malgré tout jamais la naissance puisque le cancer l’emporte le 11 juillet 2015. Néanmoins, comme le souligna Miyamoto lors de ses funérailles : « Iwata a planté une graine qui un jour se transformera en fleur, permettant aux gens du monde entier de sourire. ».
Le décès d’Iwata en 2015 marque un tournant. Son successeur, Tatsumi Kimishima, anciennement président-directeur général de Nintendo of America restructure l’entreprise, il fusionne les studios internes et crée une branche marketing. À la fin de l’année, il signe un partenariat avec Universal pour ouvrir des parc à thème, préparant l’avenir.
Lancée le 3 mars 2017, la Nintendo Switch a rapidement conquis le marché mondial, redressant la situation financière de Nintendo. Malgré un catalogue initial limité, le succès phénoménal de The Legend of Zelda : Breath of the Wild a assuré un lancement spectaculaire pour cette console hybride révolutionnaire, permettant de jouer aussi bien en mode portable qu’en mode salon et mettant encore une fois l’innovation au service de l’utilisation des joueurs. En trois ans, plus de 60 millions d’unités ont été vendues. Des titres majeurs comme Super Mario Odyssey et Animal Crossing : New Horizons ont propulsé la Switch au sommet, entraînant une augmentation de 75 % des résultats financiers en mai 2020. La console était en rupture de stock et Animal Crossing : New Horizons, profitant du confinement lié à la pandémie, figurait parmi les jeux les plus vendus de l’histoire. En août 2020, Nintendo devenait l’entreprise la plus riche du Japon. L’innovation restait au cœur de la stratégie de Nintendo, illustrée par le lancement de Mario Kart Live : Home Circuit en octobre 2020, un jeu en réalité augmentée utilisant des karts miniatures.

L’ouverture de Super Nintendo World à Universal Studios Japan en mars 2021 et la transformation de l’ancienne usine de cartes Hanafuda en musée le 2 octobre 2024 témoignent de l’extension de la marque au-delà du jeu vidéo. Enfin, l’annonce de projets d’adaptation en séries et films d’animation vise à élargir l’audience de Nintendo à un public plus large.
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Asiathèque vous remercie pour la lecture de cet article et vous souhaite une bonne lecture des prochains articles ! N’hésitez pas à me donner vos avis et remarques en commentaire. 🙂
Sources
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Nintendo
- https://www.nintendo.com/fr-fr/Hardware/L-histoire-de-Nintendo/L-Histoire-Nintendo-625945.html?srsltid=AfmBOoq_HJFoah-B8rHbGaqQEOKMCXEyACle3QTvGdy3BsLCfXV-gurA
- https://leclaireur.fnac.com/article/cp49413-nintendo-histoire-et-impact-sur-lindustrie-tout-savoir-sur-le-geant-du-jeu-video/
- https://www.nintendo.com/fr-fr/News/2021/Aout/Retournez-aux-racines-de-Nintendo-avec-le-hanafuda-2019412.html
- https://www.micromania.fr/fanzone/advance-wars-reboot-hiroshi-yamauchi.html
- https://gamingcampus.fr/boite-a-outils/lhistoire-de-nintendo.html